Degroote, histoire d'un quartier

 

 

 

I - Le quartier originel

 

En septembre 1975, l'office public d'HLM du Nord (futur OPAC, Office Public d'Aménagement et de Construction) obtient du maire de Téteghem, Emile Baës, le permis de construire « un ensemble immobilier de 495 logements sur un terrain sis à Téteghem lieux dits Le Chapeau rouge et le chemin de la Branche », ancienne propriété d'un briquetier, Augustin Degroote, derrière la fabrique qu'il avait établie vers 1905.

  • Superficie totale : 80 000 m2

  • Superficie habitable globale : 35 643 m2

 

 

 

Deux ans plus tard, les logements sont construits : 230 logements collectifs et 265 semi collectifs ; intermédiaire entre la maison individuelle et l'immeuble collectif (la tour), l'habitat semi collectif est un groupement de logements superposés avec des espaces extérieurs privatifs (des terrasses).

596 places de stationnement ont été aménagées : 167 garages et 429 aires au sol.

700 m2 utiles sont prévus pour des commerces, et il reste de la place pour un espace vert.

Le tout forme un quartier qu'on appelle Degroote ou encore la Branche rouge.

Soit quatre résidences, auxquelles on attribue des noms de fleurs :

les Marguerites (secteur Troyat) = quatre tours

les Coquelicots, les Pâquerettes, les Boutons d'or (secteur Pagnol) = deux tours

Avec des passerelles de communication entre les résidences.

 

Enfants jouant sur une passerelle (collection privée)


 

Détail des 495 logements :

  • une pièce : 30 appartements

  • deux pièces (un séjour + une chambre) : 66

  • trois pièces (un séjour + deux chambres) : 194

  • quatre pièces (un séjour + trois chambres) : 107

  • cinq pièces (un séjour + quatre chambres) : 94

  • six pièces (un séjour + cinq chambres) : 4

soit, majoritairement (60 %), des logements de trois ou quatre pièces.

 

Architectes

  • de conception : cabinet GGK (B.Gogois, C.Guislain, R.Le Van Kim), d'Amiens

  • d'opération : Fauchille, d'Hellemmes.

Une construction typique de la fin des années 1970 :

  • panneaux de béton gravillonnaires préfabriqués

  • toitures terrasses

  • baies hexagonales

  • complexité des volumes

  • plots semi-individuels à trois ou quatre niveaux

  • tours à sept ou huit niveaux.

  • placettes

  • cheminements piétons.

 


Une organisation fermée sur elle-même.

Un ensemble original et coloré.

 

 

Le quartier concentre l'habitat social locatif.

Les premiers locataires entrent fin 1977.

  • 238 logements sont occupés au 31 décembre

  • 136 au 1er février 1978

  • les derniers au printemps.

Il faudra attendre 1979 pour l'aménagement des espaces verts.

Population évaluée à 1200 personnes (211 familles = 546 personnes).

 

Structures et services :

  • école G. Brassens (construite en même temps que le lotissement)

  • espace médical

  • salle de sport bâtie dans les années 80 (multi activités)

  • antenne sociale

  • bureau de poste mobile, chaque jour place Troyat.

 

Vie du quartier :

  • des commerces : une boulangerie, puis en mars 1979 un magasin d'alimentation (supérette) place M.Pagnol

  • des associations : Amitié et création (peinture sur bois, pyrogravure, patchwork) ouvre un atelier en janvier 1980 rue M. Pagnol ; l'association de Téteghem-Uxem Loisirs pour tous (couture, tricot, cuisine) crée une annexe rue M. Pagnol ; ouverture en octobre 1980 d'une halte-garderie pour les enfants en bas âge des participantes aux activités des deux associations ; inauguration d'une antenne du foyer des Anciens le 11 janvier 1989

  • des festivités : 1er carnaval enfantin en 1978 ; 1ère ducasse en juin 1979 ; 1er marché en octobre 1979, place Troyat ; défilé de la St Martin en octobre.

 

Ces nombreuses animations valent aux habitants du quartier le surnom d' Abeilles.

 

Cependant, vieillissement précoce du quartier du fait d'une conception architecturale inadaptée à la région et de malfaçons : porosité des façades, fuites des terrasses. La Mairie est saisie des premières plaintes en mars 1978 : des infiltrations d'eau dans les appartements.

Abandon progressif du quartier : vacance importante dans les années 80 en raison d'infiltrations d'eau toujours plus nombreuses ; le quartier perd 47 % de ses occupants.

 

On décide alors de travaux de rénovation et de démolition.

 

 

 

 

II - La mue des années 90

 

Réhabilitation en trois tranches :

  • mi-juillet 1989/1990 : 193 logements rue et place Troyat

  • 1990/août 1991 : 123, rue et place Pagnol

  • 1993 : 96, rue Pagnol

Destruction en 1993, rue Looten, de 33 logements semi-collectifs possédant de larges terrasses, rendus insalubres par l'humidité, et de 60 garages.

Le quartier se dégrade fortement. Les appartements vidés de leurs habitants sont squattés, pillés (éléments sanitaires, fils électriques … ). On décide d'un accueil d'urgence des SDF pendant l'hiver 1994 dans les logements désaffectés.

 

Échec des rénovations.


Intervention de la DDE dans le cadre d'une mission d'étude technique en 1995 suivie de nouveaux essais de réhabilitation entre 1995 et 1998.

Grand attachement des habitants aux terrasses qui « font le charme du lotissement ».

 

Entre 1996 et 1999, on démolit 89 logements et 104 garages, ainsi que les 9 cellules commerciales existantes, tous locaux « pour lesquels la solution d'une réhabilitation ne peut être envisagée car n'apportant aucune garantie de pérennité de l'ouvrage », la destruction apparaissant comme « la meilleure solution d'un point de vue technique et économique ».

Au final, un quart du quartier sera rasé.

 

 

Relogement des locataires :


Parallèlement, on décide d'un programme de construction de logements pour reloger les familles déplacées (70), que l'OPAC (ex HLM) accompagnera financièrement (déménagement et ouverture des compteurs).


Contexte administratif et réglementaire:

 

  • signature en juillet 1991 d'une convention de quartier pour 3 ans dont l'objectif est « d'améliorer le paysage et le bâti en termes de qualité et de revalorisation d'image mais aussi en termes d'usages sociaux ; de créer et conforter les bases d'une vie de quartier par le renforcement des activités et services de proximité, par la définition d'une politique globale éducative, sportive et culturelle, et par le soutien à la vie associative locale ». Financé par l'Etat, le Département, la Ville, la CUD, l'OPAC, la CAF et le fonds d'action sociale, le programme conventionnel permettra la mise en place d'activités de loisirs et sportives à destination des jeunes, d'un accueil périscolaire avec des activités d'accompagnement social, des actions sanitaires, des commissions d'habitants pour débattre de questions relatives à l'environnement. Un contrat d'agglomération lui succédera

  • création le 2 décembre 1993 d'une association de défense des locataires du quartier Degroote qui, pendant 7 ans (de 1994 à 2000), va mener contre le bailleur social 25 procès. Obtient en 1997 une partie des dédommagements réclamés (troubles de jouissance, indemnités de chauffage), environ 10 millions de francs. L'association se dissout le 28 février 2001 après un accord à l'amiable avec l'OPAC, « les procédures judiciaires n'(ayant) plus lieu d'être »

  • adoption le 4 mai 1995 d'une charte pour la requalification du quartier Degroote dans le cadre du contrat de ville de l'agglomération dunkerquoise. Principaux signataires : État, Ville, CUD, OPAC, CAF)

  • classement du quartier en zone urbaine sensible (ZUS) par décret du 26 décembre 1996.

 

Nouvelles structures :


  • Une chapelle, place Pagnol, ouverte le 26 septembre 1992 (sera démolie en 1998)

  • Maison de quartier (construite en 1995/1996).

 

     

 

Vie du quartier :

  • associations : VIVAT (Vivre au vert à Téteghem) ; Club environnement rebaptisé Les P'tits jardiniers (préservation de l'environnement par des enfants) associé à VIVAT en janvier 1995. Parmi ses réalisations : organisation d'une journée ville propre en avril 1992, plantations d'arbres rue Troyat en octobre 1993, création d'un massif rue Alfred de Vigny en avril 1994 ; Club des Ados (activités sportives)

  • fêtes de quartier


 

  • 1er don du sang en novembre 1997 sur le parking de la Maison de quartier

  • nouvelle aire de jeux en 1994 (3 000 m2 près de la salle de sport de Vigny)

  • un journal : La Feuille (1 page recto-verso) traitant de l'actualité des quartiers Degroote et du Chapeau Rouge édité par le Développement social urbain. 1ère parution en janvier 1995.

 

 

 

Sur les terrains libérés par les destructions, on reconstruit moins densément, on aère l'espace en créant un parc urbain au centre du quartier et l'on améliore l'environnement avec des jardinets au pied des immeubles et la rénovation des entrées.


Un projet de présentation de la restructuration du quartier au concours biennal d'architecture EUROPAN (Europe Programme Architecture Nouvelle) n'aboutit pas.


Nouvelles structures :


  • deux résidences : Moréas (2000) et Claudel (2003)


 

 

  • antenne Nord du centre socio-culturel (à la place d'une école maternelle) inaugurée en 2013.

 

 

 

 

III - Le quartier aujourd'hui

 

Le quartier offre un nouveau visage.

C'est maintenant un ensemble de 428 logements (dont 7 maisons individuelles, rue Paul Claudel), que gère Partenord Habitat. En tout 875 habitants, tous locataires.

Toutefois, des problèmes perdurent.

En juin 2015, un important diagnostic réalisé dans le cadre du contrat de ville de l'agglomération dunkerquoise conclut à la nécessité d' « une intervention lourde » au niveau du bâti (humidité, isolation) et des espaces extérieurs (cheminements, éclairage public, mobilier urbain, parkings sous-dimensionnés).

Il constate aussi la perte d'attractivité du quartier avec un taux de rotation des locataires de 15% (cinq points de plus que la moyenne départementale) ; 39 % d'entre eux ayant une ancienneté inférieure à cinq ans.

 

Nouveau contexte administratif et réglementaire :


  • en 2014, inscription du quartier dans la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville et le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU, qui succède au programme national de rénovation urbaine, PNRU, lancé en 2003 dans le but de redynamiser des quartiers en difficulté)

  • fondation le 5 décembre 2016 de l'association Conseil citoyen Téteghem-Coudekerque-Village (assemblée citoyenne ayant vocation à participer à la mise en œuvre de la politique de la ville au quartier Degroote). La création de conseils citoyens dans les quartiers prioritaires émane de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014.


Les conditions sont réunies pour une nouvelle fois repenser le quartier.

 

 

IV- Degroote demain

 

Il est prévu d'abattre les quatre tours restantes (193 appartements) sans reconstruire à la place des logements sociaux, et de reconfigurer le quartier avec de l'accession sociale à la propriété.


Les habitants ont été appelés à réfléchir sur leur futur environnement :

  • réalisation d'un diagnostic en marchant (avril/août 2016) et participation à des ateliers de travaux urbains (ATU), les deux débouchant sur l'énoncé de premières envies prenant en compte le développement durable

  • projet d'aménagement du parc imaginé par des élèves de CM1 et CM2 de l'école Brassens avec l'aide de l'Agence d'urbanisme de Flandre Dunkerque (AGUR), exposé à la Mairie de Téteghem du 4 au 10 septembre 2017.

 

 

 

 

 

Le quartier Degroote connaîtra donc à terme un nouveau souffle, et son avenir se construit avec ses occupants.

Leur implication est essentielle, car, comme le disait en 1965 André Trintignac, chef du bureau des études économiques et sociologiques au ministère de la Construction :  « L'épanouissement et l'harmonie de sa vie sociale propre est le principal test de la réussite d'un grand ensemble qui est à la fois l'œuvre des techniciens et l' œuvre des habitants. » (1)

 

Gérald Mennesson,

20 avril 2018

 

 

1- Cité in Thibault TELLIER, Le temps des HLM, 1945-1975. La saga urbaine des Trente glorieuses, Autrement, coll. Mémoires/culture, 2007, p.123.