Un vicaire à Téteghem (1764)



Cathédrale St-Martin, église épiscopale d'Ypres

(gravure dans A. Sanderus, Verheerlykt Vlaandre, 1735)

 

Au printemps 1764, la paroisse de Téteghem sollicite du diocèse d'Ypres dont elle dépend la nomination d'un vicaire. La demande aboutira, l'évêque accordant son autorisation.

À cette occasion, une description géographique du village (1 300 âmes à l'époque) a été établie, qui est à ajouter aux cartographies déjà connues de la commune.

Elle figure, soulignée par nous en caractères gras, dans la longue lettre du prélat reproduite ci-après.



 

« Félix Joseph Hubert de Wavrans (1), par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique évêque d'Ypres, à tous ceux qui les présentes verront, salut.

Savoir faisons qu'il nous aurait été représenté par les hoofman (2), assesseurs et notables de la paroisse de Téteghem, châtellenie de Bergues de notre diocèse, que dans leur paroisse il y aurait 820 communiants non compris les malades, femmes en couches et ceux qui, quoiqu'en âge de fréquenter la Sainte Table, ne le feraient pas faute d'instruction. Par l'impossibilité où se trouverait le sieur curé de suffire seul à tous les devoirs de son ministère vis-à-vis d'une si grande quantité de paroissiens, que ce nombre de communiants joint à l'étendue de la paroisse, laquelle serait du midi au nord de plus de cent lieues, et à la dispersion des habitants, leur aurait paru suffisant pour qu'il aurait nécessité d'avoir un vicaire (3) dans ladite paroisse pour assister le sieur curé dans l'administration des Saints-Sacrements et dans les autres fonctions pastorales. À ce sujet, lesdits hoofman, assesseurs et notables nous auraient supplié de déclarer par forme de décision la nécessité ou non d'un vicaire de ladite paroisse.

Vu ladite requête et notre décret du 4 mai 1764 par lequel nous avons ordonné qu'elle serait communiquée aux décimateurs (4) et autres intéressés pour dire ce qu'ils trouveraient convenir aux fins de ladite requête dans le terme d'un mois, et être après par nous disposé selon droit.

La relation du notaire Blondé à Bergues du 7 mai de la même année, de laquelle résulte que ladite requête et notre décret auraient été dûment signifiés à Monsieur l'abbé de l'abbaye de Saint-Winoc à Bergues, gros décimateur (5) de ladite paroisse.

Un écrit produit de la part dudit sieur l'abbé par lequel il déclare entre autre de ne point empêcher à ce qu'il soit par nous statué conformément aux règles de la justice et équité et suivant le rapport des informations préalables.

Autre requête desdits hoofman, assesseurs et notables par laquelle ils nous auraient représenté que puisque ledit sieur abbé n'aurait fait aucune opposition, il nous aurait plu, faisant droit sur les conclusions de leur requête, déclarer la nécessité ou non nécessité d'avoir un vicaire en ladite paroisse de Téteghem.

Notre décret du 11 juillet 1764 par lequel, avant de faire droit, nous avons ordonné que visite serait faite par Monsieur Henri Gramon, doyen de chrétienté (6) du district de Bergues, en faisant par lui signifier tous les intéressés du lieu, jour et heure qu'il avait préfigés pour faire la visite dont le procès-verbal nous serait renvoyé pour être ensuite disposé selon droit.

La préfixion du lieu, jour et heure préfigés par ledit sieur Gramon à la requête desdits hoofman, assesseurs et notables,

la signification qui en a été faite par le susdit notaire Blondé à Monsieur l'abbé de l'abbaye de Saint-Winoc le 21 dudit mois et an.

Autre requête desdits hoofman, assesseurs et notables avec le procès-verbal de la visite faite par notredit commissaire le premier jour d'août de cette année, duquel procès-verbal il résulte que dans la paroisse de Téteghem parmi le nombre d'environ 1 300 habitants il s'y trouve 820 communiants. Que du côté du couchant la paroisse se trouverait bornée par celles de Dunkerque et Coudekerque, que la distance de l'église à l'extrémité de la paroisse vers la première serait de trois quarts de lieue, et vers la seconde d'un quart de lieue ; que du côté du midi elle serait bornée par les paroisses d'Hoymille ou Saint-Pierre à Bergues et de Warhem, et la distance de l'église à l'une et l'autre d'une lieue ; que du côté du levant, elle serait bornée par la petite Moëre et les paroisses d'Uxem et Leffrinckoucke, que la distance de l'église jusqu'à la Moëre serait de cinq quarts de lieue et jusqu'à la séparation desdites deux paroisses de trois quarts de lieue ; que du côté du nord, elle serait bornée par les dunes de la mer qui serait à une lieue distante de l'église ; que le canal qui mène de Dunkerque à Furnes séparerait de l'église le hameau dit Rosendaël où il se trouve plus de 300 communiants et leurs familles, que pour y arriver il faudrait passer par ce canal avec un petit bateau, que quand il se rencontre quelque empêchement soit par défaut d'eau, soit par des petites gelées, soit par ordre supérieur, qu'alors il faudrait y arriver par le pont de Leffrinckoucke qui serait à trois quarts de lieue de l'église et dudit pont jusqu'aux dernières habitations et maisons de cet hameau la distance serait de trois quarts de lieue ; que les fermes et habitations de toute la paroisse se trouveraient dispersées de tout côté ; et finalement que le sol de la paroisse serait de terres fortes et glaireuses, principalement de l'église à la mer, et les chemins très difficiles en hiver d'autant plus qu'il ne se trouverait point dans la côte nord de la paroisse de sentiers pour se rendre d'un endroit à l'autre.

Le tout considéré et le saint nom de Dieu invoqué, nous avons dit et déclaré, disons et déclarons par ces présentes qu'il y a nécessité d'avoir un vicaire dans la paroisse de Téteghem, ordonné et ordonnons que la portion congrue (7) dudit vicaire sera payée par qui de droit et qu'icelui aura part au casuel (8) de ladite paroisse ainsi que de coutume et de raison.

Donné à Ypres dans notre palais épiscopal, sous notre signature et scellé ordinaire, le 31 août 1764. » (9)


Gérald Mennesson

 

1- Évêque d'Ypres de 1762 à 1784.

2- Premier magistrat (l'équivalent du maire aujourd'hui).

3- Prêtre assistant le curé.

4- Ecclésiastiques levant la dîme, redevance en nature prélevée sur les productions agricoles.

5- Gros par l'importance, et aussi parce qu'il perçoit les « gros fruits » des productions agricoles comme les récoltes céréalières et viticoles ou encore le « croît du bétail », c'est-à-dire les bêtes nées dans l'année.

6- Prêtre à la tête d'un doyenné, circonscription regroupant plusieurs paroisses.

7- Part de dîme.

8- Offrandes.

9- Archives municipales de Bergues, série G, cote GG 75