Charles Dercle, cet inconnu

 

Tout livre qu’un autre que son auteur

aurait pu écrire est bon à mettre au panier.

Paul Léautaud

 


C’est un inconnu à Téteghem.

Et pourtant, ce natif de la commune mériterait qu’on s’en souvienne car il est l’auteur d’un lexique médical utile et apprécié en son temps : De la pratique de notre médecine chez les Arabes. Vocabulaire arabe-français d’expressions médicales.



 

 


Charles Ursmar Dercle naît le 23 août 1866 à Téteghem (1), sous le Second Empire et le jour du traité de Prague (2).

Ses parents sont cabaretiers place d'Uxem.

Il est l'aîné d'une fratrie de trois enfants (3).

Son père meurt en 1870 à l'âge de 34 ans. Sa mère se remarie deux ans plus tard avec un boulanger, veuf lui aussi ; de cette nouvelle union (4) naîtra une fille en 1875 (5).


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À 25 ans, Charles Dercle, élève à l'École du service de santé militaire depuis 1889, soutient le 22 janvier 1892 à la faculté de médecine et pharmacie de Lyon une thèse de doctorat en médecine intitulée Contribution à l'étude des souffles extra-cardiaques de la pointe.

 

 

 

Suivra une carrière de médecin militaire qui le conduit à servir en Algérie où il se marie en 1897 (6).

Devenu médecin-major de 2e classe, c'est fort de son expérience coloniale qu'il écrira en 1904 le livre qui l'a fait connaître, de la pratique de notre médecine chez les Arabes. Vocabulaire arabe-français d’expressions médicales, qu'il prolonge en 1908 par un précis d'hygiène pratique à l'usage des indigènes d'Algérie.

Promu major de 1ère classe chef de service au 28e régiment d'infanterie, il est grièvement blessé au début de la guerre, à Séry-les-Mézières, près Saint-Quentin, le 30 août 1914.

La presse de l'époque rapporte : « Cet officier supérieur, qui inspectait la formation sanitaire du régiment, fut atteint par un obus de gros calibre qui éclata sous son cheval. Un pied arraché par un éclat, le médecin-major, qui ne portait pas moins de 97 blessures, dont pas une mortelle, fut évacué sur l'arrière et est aujourd'hui en bonne voie de guérison. Sa tunique, déchiquetée par le projectile, a été déposée aux Invalides où elle est exposée à côté des drapeaux pris à l'ennemi par nos valeureux soldats. » (7)

Dercle sera nommé officier de la Légion d'honneur en janvier 1915, et cité dans le Livre d'or de la grande famille médicale en août de la même année (8).

Puis on perd sa trace.


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Charles Dercle a écrit De la pratique … -un dictionnaire bilingue médical abrégé précédé de quelques observations générales- pour faciliter la tâche de ses confrères et encourager la population indigène à consulter. Car « l'Arabe, dit-il, éprouve une considération particulière pour le Français qui parle sa langue ; il professe un véritable culte pour le médecin qui, parlant sa langue, lave lui-même ses plaies, tâte le pouls au fiévreux, n'a pas de rebut pour sa chair blessée, s'intéresse à ceux qui saignent, à ceux qui frissonnent, et qui a une parole de consolation à leur donner. Cette faculté d'échanger des idées dans la langue arabe fournit à chaque instant l'occasion de découvrir, pour ainsi dire, des malades qui sans cela seraient délaissés, par insouciance ou par paresse, de la part de ceux qui les entourent. Oui, le médecin doit pouvoir interroger lui-même son malade, sans avoir recours à un intermédiaire. Un interprète n'est, du reste, qu'un profane qui traduira plus ou moins fidèlement, qui ne saura pas rendre les nuances en fait de symptômes, si utiles en médecine et connues seulement du médecin. D'autre part, l'Arabe n'aime pas une tierce personne en matière médicale ; il lui répugne d'étaler ses infirmités ou d'exposer ses souffrances en présence d'un homme qui n'a aucune qualité pour voir les unes et entendre les autres. Ceci est encore plus vrai quand il s'agit de la femme arabe. » (9)


 

L'ouvrage ajoute à la réputation de son auteur, déjà estimé pour ses compétences et son abnégation.

Gérald Mennesson

 

  1. Acte n° 33, Archives départementales du Nord (ADN), registres numérisés des registres d'état-civil du Nord, Téteghem/NMD 1860-1880, cote 5Mi027R108.

  2. Traité de paix signé à Prague entre l'Autriche et la Prusse en guerre depuis le 14 juin 1866. Réorganise l'espace germanique en faveur de la Prusse victorieuse à Sadowa le 3 juillet.

  3. Deux sœurs : Élise, née en 1867 ; Juliette, morte à 9 mois en 1870.

  4. Acte n°36, ADN, registres numérisés des registres d'état-civil du Nord, Uxem/NMD 1855-1880, cote 5Mi027R111.

  5. Marie Joséphine Rosalie Claeys (1875-1909).

  6. Il épouse Gabrielle Camoin, dont il aura deux enfants : Yvonne (1897-1962) et Ketty (1900-1986).

  7. Journal de Mantes, décembre 1914.

  8. Source : vlecalvez.free.fr/officiers 28eRI. Trouvée par José Flajollet, membre de l'ATH.

  9. C. DERCLE, De la pratique de notre médecine chez les Arabes. Vocabulaire arabe-français d'expressions médicales, Alger, 1904, p. 11-12.