Exemption de péage (1767)
Péage vers 1780 (carte postale ancienne, Internet)
Sous l'Ancien Régime, le péage est « un droit que l'on paie pour emprunter une voie de communication » (1). Hérité du Moyen Âge, ce droit de circulation très impopulaire, dont les cahiers de doléances en 1789 réclameront la suppression, sera aboli en 1793.
Des barrières, ou postes de péage, étaient installés en travers des routes pour le percevoir.
Nous avons découvert dans les archives municipales de Bergues (2) une exemption de péage intéressant Téteghem et d'autres villages voisins, accordée par l'intendant Lefebvre de Caumartin (3) à la suite d'un litige, quelque vingt ans avant la Révolution.
Les faits :
« Comme plusieurs hoofman et autres habitants des paroisses limitrophes et voisines de la chaussée de Bergues à Oostcappel soutiennent procès au parlement de Flandres à Douai (4) contre le nommé Willaeys maréchal-ferrant fermier (5) du droit de péage de la barrière établie sur ladite chaussée au hameau de Zyckelin (écrit Ziecklien) au village d'Hoymille au sujet desdits droits, notamment à la sortie de Bergues vers Rexpoëde et les autres villages, et qu'il y a apparence à terminer ce procès et de décharger les habitants de ladite châtellenie de ce droit de transit au péage à chaque barrière établie sur ladite chaussée regardant le transport de denrées ou marchandises quelconques provenant du cru des paroisses de cette châtellenie et de graisses et fumier pour l'amélioration de leurs terres, pour autant que les paroisses de Téteghem, Ghyvelde, Leffrinckoucke, Uxem, Warhem, Rexpoëde, Hoymille, Killem, Oostcappel, Bambecque, Westcappel et Houtkerque veulent bien payer les dépens dudit procès, chose très modique relativement au profit qui résulterait à toujours de la susdite décharge et exemption pour l'obtention de laquelle Messieurs les magistrats de Bergues veulent bien interposer leurs bons offices auprès de Monseigneur l'Intendant. »
La conclusion du procès :
« Vu par nous, intendant de Flandres et d'Artois (6), la requête et délibérations (…), nous avons approuvé et homologué lesdites délibérations pour être exécutées selon leur forme et teneur. En conséquence autorisons les suppliants à transiger sur le procès dont il s'agit aux clauses et conditions requises dans lesdites délibérations qui demeureront annexées à notre présente ordonnance au moyen de quoi les suppliants seront et demeureront à l'avenir exempts de payer les droits de barrière qui forment l'objet du procès en question pour les chariots et voitures chargées de denrées et marchandises de leur cru ou de fumier, marne et autres engrais destinés à l'exploitation de leurs terres, à la charge de chaque habitant de représenter au fermier dudit droit de barrière un certificat de l'hoofman de sa paroisse, et par ceux d'Houtkerque des bailli et gens de loi de ladite seigneurerie, qui constate qu'ils sont véritablement des paroisses desnommées en ladite requête, faute de quoi ils seront tenus d'acquitter ledit droit de barrière ; à l'effet de ce que dessus permettons aux suppliants d'imposer sur eux la somme à laquelle les frais dudit procès seront liquidés et taxés, et ce en la forme et manière accoutumées, laquelle somme sera répartie entre les paroisses à proportion et suivant le transport de Flandres (7). Fait le 28 juin 1767. »
Gérald Mennesson
1- Anne CONCHON, Le péage en France au XVIIIe siècle. Les privilèges à l'épreuve de la réforme, Institut de la gestion publique et du développement économique, Vincennes, 2002, Chapitre 1er.
2- Cote DD 162.
3- Antoine-Louis Lefebvre de Caumartin (1725-1803), chevalier, marquis de Saint-Ange, comte de Moret, seigneur de Caumartin, conseiller du roi en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel. D'abord intendant de la généralité de Metz, sera ensuite pendant vingt-deux ans, de 1756 à 1778, intendant de Flandre et d'Artois. Charles-Alexandre de Calonne lui succèdera à ce poste jusqu'en 1783 avant d'occuper la très haute fonction de contrôleur général des Finances de novembre 1783 à avril 1787. Nommé par lettre patente, l'intendant est le représentant du roi en province. Il exerce des pouvoirs d'administration et de juridiction.
4- Créé en 1668, le parlement de Flandres a siégé à Tournai puis à Cambrai avant d'être transféré à Douai en 1713. Il a pouvoir de justice et juge en appel.
5- Le fermier est le percepteur du droit.
6- Depuis 1754 l'Artois est rattaché à l'intendance de Flandre, dont Lille est le siège.
7- Référence au traité de paix d'Athis-sur-Orge entre la France et la Flandre en juin 1305.