Le général Auguste Alaurent

additif à la conférence 2022 :

« Téteghem et la 32e D.I., un lien fort »

 

 

Je conserve un souvenir aigu de (Dunkerque)

en décombres, avec ses façades creuses,

sur lesquelles flottaient de vagues fumerolles et,

épars parmi ses rues, moins des cadavres

que des débris humains.

Marc BLOCH

L'étrange défaite

 

 Les hommes parviendront peut-être

à s'organiser sur terre pour y vivre

et mourir sans souffrance.

Léon CHESTOV

L'Homme pris au piège

 

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Le hasard a fait se rencontrer notre association avec Monsieur Marc Alaurent, petit-fils du général Auguste Alaurent qui commanda l'infanterie divisionnaire de la 32e DI pendant la bataille de Dunkerque en mai-juin 1940.

Jusqu'alors on en savait peu sur cet homme, nos informations étaient très lacunaires, et sa présentation lors de notre conférence de 2022 demeurait sommaire.

Mais grâce à cette rencontre, et aux documents familiaux que Monsieur Alaurent nous a généreusement communiqués sur son aïeul et dont il a accepté la diffusion -qu'il en soit ici doublement et vivement remercié-, l'ATH est en mesure aujourd'hui de mieux renseigner ses lecteurs.

 


 

Auguste Alaurent est né le 22 février 1883 à Châteauneuf-sur-Loire (Loiret).

Après des études à Montargis et au lycée d'Orléans, décidant d'une carrière militaire, il intègre en 1904 l'école de Saint-Cyr d'où il sortira en 1906.

 

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 Collège de Montargis 1896. 1er rang, 2e à partir de la droite.

 

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 Saint-Cyrien

 

Il est lieutenant au 46e régiment d'infanterie quand commence la Première Guerre mondiale.

Le conflit l'atteint dès ses débuts.

Deux fois blessé -dont la seconde grièvement- à la bataille de Gorcy (près Longwy) la terrible journée du 22 août 1914, il est soigné par la Croix-Rouge et des habitantes exemplaires de Gorcy. Capturé, le jeune officier est transféré à Coblence le 6 septembre ; un chirurgien allemand lui évitera l'amputation d'une jambe en l'opérant (sans anesthésie ! à la demande de la victime). Sa conduite à la tête de la demi-compagnie qu'il commandait lui vaudra une citation à l'Ordre de l'Armée (1).

Auguste Alaurent sera interné dans les camps de prisonniers de guerre de Gnadenfrei puis Neisse en Silésie avant un transfert en Suisse en vue de son rapatriement en France comme grand blessé en juin 1917, ayant été dans l'intervalle promu capitaine, le 5 mai 1915. Il rejoint alors la Direction de l'infanterie pour y préparer la réorganisation des écoles militaires.

 

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Capitaine

 

De 1919 à 1920, l'ancien saint-cyrien est détaché à l'état-major de l'Armée ; ensuite, à l'état-major du ministre de la Guerre  ; puis, de 1925 à 1927, à Rabat, à l'état-major du maréchal Pétain.

À son retour au pays, il retrouve le 46e régiment d'infanterie.

De 1935 à 1938, devenu colonel, il commande le 153e régiment d'infanterie de forteresse à Bitche. Après quoi, nommé général de brigade le 23 juin 1939, il enseignera à l'École de Guerre.

 

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Colonel

 

Au début du nouvel affrontement mondial, c'est comme chef de l'infanterie divisionnaire de la 32e DI que dirige au sein de la 1ère Armée le général Maurice Lucas qu'Auguste Alaurent, du 30 mai au 3 juin 1940. participe à la défense du camp retranché de Dunkerque commandé par le général de corps d'armée Falgade.

Fait prisonnier le 4 juin -en fin de matinée, vers Gravelines, après avoir regroupé des forces restantes et tenté de s'exfiltrer par la plage-, il est envoyé à la forteresse de Königstein (au sud-est de Dresde, en Saxe) - Oflag IV-B, lieu de détention des officiers supérieurs (2). Il y restera jusqu'à la fin de la guerre, élevé entretemps au rang de général de division. Libéré le 9 mai 1945, et rentré en France le 12 mai, le vieux soldat demandera en fin d'année sa mise à la retraite.

 

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Les captifs de Königstein en 1941.

Une flèche désigne le général Vernillat, le général Alaurent est à sa droite.

 -§-

Après sa longue carrière militaire, Auguste Alaurent s'engage dans la vie publique.

Il sera maire de La Frette-sur-Seine du 22 juin 1956 au 14 mars 1965.

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Auguste Alaurent meurt à Maisons-Laffitte le 26 octobre 1970 à l'âge de 87 ans. Il repose avec son épouse au cimetière de La Frette-sur-Seine sous une sobre pierre.

 

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Décorations françaises et étrangères :

          • Croix de guerre 1914-1918
          • Croix de guerre 1939-1945
          • Commandeur de la Légion d'honneur
          • Palmes académiques
          • Étoile noire du Bénin
          • Commandeur du Ouissam alaouite (Maroc)

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Vie privée : marié en 1907 ; un fils : Jean (3).

Il connaissait très bien Maurice Genevoix, combattant de 1914 et grand écrivain humaniste entré au Panthéon le 11 novembre 2020, qui le cite dans l'un de ses livres.

Une rue de La Frette-sur-Seine a été baptisée rue du général Alaurent le 25 novembre 1970.

 

Gérald Mennesson d'après Marc Alaurent

 

 

1- Ordre n° 23.896, Ministère de la Guerre, le 25 octobre 1920.

2- Le général d'armée Henri Giraud (1879-1949) s'en évadera en avril 1942. Le général Juin est passé également par Königstein avant son retour en France en 1941et son départ vers le Proche-Orient. Les généraux Beaufrère, Vernillat et Falgade furent également prisonniers à Königstein.

3- Jean Alaurent (1908-1999), administrateur en chef de la France d’Outremer, rejoindra durant l’été 1940 la colonne Leclerc à Fort-Lamy, où il commandera en tant que capitaine le 2nd peloton d’exploration et de reconnaissance, avant de rejoindre en 1943 Jean de Lattre de Tassigny à Tunis puis le général de Gaulle à Alger.