Gardes villageoises contre les errants

 

Le Mendiant (Jacques Callot)

 

Leurs jambes pour toutes montures,

Pour tous biens l'or de leurs regards,

Par le chemin des aventures

Ils vont haillonneux et hagards.

Paul Verlaine

Grotesques (Poèmes saturniens)

 

L'Ancien Régime a sévèrement réprimé mendiants et vagabonds qu'il enferme et condamne.

Une déclaration royale de 1724 (1) prévoit l'internement dans les hôpitaux généraux des mendiants invalides et l'envoi aux galères des mendiants valides à leur troisième arrestation ; ils sont marqués au fer rouge (lettre M) à la deuxième.

Une déclaration royale de 1764 (2) punit  les vagabonds et gens sans aveu de trois ans de galères dès la première arrestation, neuf ans à la récidive, et à perpétuité ensuite ; les femmes prises en délit de vagabondage encourent pareilles sanctions, mais au lieu des galères seront détenues dans des maisons de force (3).

Les mendiants et vagabonds sont des marginaux. Des gueux et chemineaux misérables, les mêmes qu'on retrouvera au siècle suivant dans les poèmes de Richepin (4) ou de Couté (5). Ils font peur et dérangent l'ordre social. On craint les larcins de cette pauvreté itinérante. En Flandres, par exemple, près d'un vagabond sur deux s'adonne au vol - après 1724, dans 91 % des cas, le coupable de vol simple sera puni du fouet (6).

C'est pour lutter contre cette population mobile dangereuse, et dans le cadre d'une législation répressive, que l'intendant des Flandres et d'Artois, Charles de Rohan, prince de Soubise, ordonnera le 18 juillet 1764 la formation, dans les campagnes de son ressort, de gardes pour arrêter les mendiants, les vagabonds et aussi les déserteurs. Une très ancienne déclaration royale de 1639 prévoyait déjà l'arrestation de « mendiants valides, vagabonds et gens sans aveu, et tous les soldats de cavalerie et infanterie qui auront quitté nos troupes sans congé » (7). Massive et fréquente, la « désertion était la plaie de l'armée et atteignait couramment le cinquième des effectifs » (8).

Nous retranscrivons ici l'intégralité de l'ordre, extrait des archives municipales de Bergues (9).