Préambule
1- L'entrée en guerre
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1er septembre 1939 : l'Allemagne pénètre en Pologne
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2 septembre : mobilisation générale en France
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3 septembre : l'Angleterre puis la France déclarent la guerre à l'Allemagne
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du 3 septembre 1939 au 10 mai 1940 : c'est la « drôle de guerre » (expression prêtée au romancier Roland Dorgelès), que les Anglais appellent la « guerre de l'ennui », et les Allemands la « guerre assise » ; « C'était la guerre, mais on ne s'en rendait pas bien compte » (1) dira Georges Hyvernaud. Une période d'attente, sans offensive mais faite d'escarmouches mortelles - plus de 3 000 morts du côté français : « Cette guerre n'est pas drôle, elle est funèbre » (2) écrit Georges Bernanos dans son journal.
L'attente
Photo Internet
2- Formation et premiers engagements de la 32e D .I.
(2 septembre 1939-10 mai 1940)
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du 2 au 12 septembre 1939 : formation dans le Languedoc
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du 16 septembre au 20 décembre : la Division est stationnée en Lorraine dans la région fortifiée de Metz (ligne Maginot), en réserve de la 3e Armée
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du 22 décembre 1939 au 10 mai 1940 : elle s'établit dans les environs de Cambrai, en réserve de la 1ère Armée.
Placée d'abord sous le commandement du général de Charry, puis du général Lucas à partir de janvier 1940.
Composition
I- La 32e D.I. dans les combats de mai-juin 1940
1- De la guerre éclair à l'armistice (10 mai-25 juin 1940)
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10 mai 1940 : l'Allemagne envahit la Belgique et les Pays-Bas, c'est la fin de la « drôle de guerre » et le début d'un nouveau conflit mondial
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12 mai : la 32e D.I. est en Belgique
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17 mai : elle livre bataille à Feluy sur le canal de Charleroi, puis, jusqu'au 29, combat en retraite jusqu'à Dunkerque
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du 30 mai au 3 juin 1940 : elle participe à la défense du camp retranché de Dunkerque pour couvrir l'embarquement pour l'Angleterre des soldats français et britanniques (la célèbre Opération Dynamo qui, du 26 mai au 4 juin, permettra d'évacuer plus de 338 000 hommes)
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4 juin : elle embarque pour l'Angleterre
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10 juin : elle débarque en Normandie pour tenter d'y retarder la progression ennemie
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25 juin : signature de l'armistice.
2- Focus sur la défense de Dunkerque et les combats à Téteghem
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27 mai : les Allemands franchissent l'Aa à Watten
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28 et 29 mai : bombardements aériens de Bergues.
Théâtre des opérations
Source : Général Jean-Henri Armengaud, Le drame de Dunkerque, mai-juin 1940, Plon, 1948
(ouvrage couronné par le prix de l'Académie française en 1949)
Le territoire est découpé en trois grandes zones :
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l'ouest, que défend la 68e D.I.
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l'est, que défend la 12e DIM (division d'infanterie motorisée), son poste de commandement est établi au fort des Dunes
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le centre, que défend le Secteur fortifié des Flandres (SFF, sous le commandement du général Barthélémy), dont deux bataillons du 137e RI ont leur poste de commandement au sud de Téteghem.
L'objectif de ce front défensif est de couvrir l'embarquement des troupes alliées à Dunkerque.
Julien Gracq, futur lauréat en 1951 du prix Goncourt qu'il refusera, de son vrai nom Louis Poirier, était alors lieutenant au 137e régiment d'infanterie. Il écrit le 28 mai : « Téteghem grouille de troupes, dans un emmêlement incroyable. (…) Une espèce d'hébétude affairée, c'est l'impression que donne ce soir Téteghem. » (3)
Tête de pont
Général Armengaud op.cit.
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30 mai : tirs d'artillerie sur Bergues et Téteghem
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31 mai : bombardements répétés.
Ligne de défense fin mai
Général Armengaud op.cit.
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1er juin : bombardements de Ghyvelde et de Bergues. Le SFF, très affaibli, reçoit dans l'après-midi le renfort d'un bataillon de la 68e D.I. (3/225 RI). Les Allemands franchissent la Basse Colme, conquièrent une tête de pont mais échouent à forcer le passage de Notre-Dame des Neiges.
Ligne de défense au soir du 1er juin
Général Armengaud op.cit.
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2 juin : offensive ennemie générale et massive, appuyée par l'aviation et l'artillerie.
- Front ouest : chute de Spycker.
- Front est : une attaque de Stukas crible le fort des Dunes, tuant le général Janssen.
- Front central : le 137e RI appuyé par le 35e RAD (régiment d'artillerie divisionnaire - depuis 1947 parachutiste) tente une contre-offensive, « contrecarrée par deux attaques aériennes de plus de cinquante appareils chacune, puis définitivement arrêtée à Notre-Dame des Neiges ». (4)
Le lieutenant Sigogne, commandant l'escadron motos, rapporte : « Il est environ 7 heures, ce 2 juin 1940. Le terrain découvert et inondé ne permet pas de se terrer, les pertes sont sévères : tués et blessés en grand nombre, de plus aucune liaison n'est possible avec les unités voisines qui n'ont pas suivi.(...) Le hameau de Notre-Dame des Neiges est en feu. Les points tenus sont hachés impitoyablement, nous tenons toujours malgré l'arrivée de nombreux renforts ennemis. » (5)
2 000 obus seraient tombés ce jour-là.
Julien Gracq, déjà cité, recueille le témoignage d'un garçon de seize à dix-sept ans : « Les Allemands sont arrivés à Téteghem (…). Et ils ont cassé ma maison, oui, tout cassé ! Avec des canons-revolvers! » (6) Et l'écrivain d'ajouter : « C'est bien le désastre complet, car Téteghem, c'est Dunkerque. » (7) Il sera fait prisonnier ce 2 juin dans la cave de la maison de l'éclusier du pont du Zyckelin.
Reddition de Bergues.
Dans la soirée, deux bataillons de la 32e DI (122e et 143e) arrivent en renfort du SFF. C'est à ce moment que la Division entre en scène. Elle était jusqu'alors regroupée dans les dunes entre Fort-Mardyck et St-Pol-sur-Mer, en réserve de Corps d'armée.
Ligne de défense au soir du 2 juin
Général Armengaud op.cit.
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3 juin : les Allemands préparent l'assaut final.
- A l'ouest, ils progressent à partir de Spycker, se heurtant à une ultime et vaine résistance de la 68e DI qui oppose ses dernières forces, disparates.
Le lieutenant Mennesson, artilleur, témoigne: « Il était bien curieux ce groupe d'artillerie de campagne qui allait vivre une heure aussi exceptionnelle qu'inattendue. Il appartenait organiquement au 89e régiment d'artillerie (68e DI) mais la majeure partie de ses éléments venait d'autres unités. Il était composé de restes rassemblés hâtivement pour la dernière défense de Dunkerque. Le seul trait commun qui unissait les canonniers, sous-officiers et officiers était un sentiment de devoir et le désir de servir, qu'aucun ne montrait de façon ostensible. » (8)
- A l'est, violents bombardements du fort des Dunes et combats sur le canal des Chats.
- Au centre, contre-attaque sur Notre-Dame des Neiges pour contenir coûte que coûte l'avance ennemie vers Dunkerque. Cette offensive pour gagner du temps est une « mission de sacrifice » (9) note dans son journal le général Barthélémy.
La contre-attaque, pourtant bien entamée (l'assaillant le matin est refoulé jusqu'à la ferme des Moëres), échouera elle-aussi, une nouvelle fois contrariée par l'aviation ennemie : « En fin de matinée, la situation devient grave. Des escadrilles de Stukas écrasent Téteghem. » (10)
Dans l'après-midi les Allemands reprennent l'offensive et s'emparent de Téteghem en ruines. Les combats y cesseront vers 17h30 avec l'épuisement des munitions des défenseurs. « Téteghem ou le village des dernières cartouches » écrit le général Armengaud, par analogie avec les fameuses « dernières cartouches » de la bataille de Bazeilles, petit village près de Sedan, le 1er septembre 1870. (11) C'est dire l'âpreté des combats.
Les dernières cartouches
tableau d'Alphonse de Neuville (1873)
Téteghem, village des dernières cartouches, mais aussi Téteghem, village martyr : 63 victimes civiles, des dégâts matériels considérables (plus de 400 maisons endommagées, entre 60 et 70 démolies complètement). L’Église a été anéantie par les bombes, et dans le cimetière qui l'entoure des sépultures sont éventrées.
Collection privée Claudine Baës
Deux bataillons du 137e et du 122e se replient au pont du Chapeau-Rouge pour empêcher l'ennemi de franchir le canal de Furnes. Ils tiendront la position toute la nuit jusqu'au lendemain 2 heures, avant de se retirer sur la plage de Malo pour y être embarqués.
Le général Lucas écrira dans l’Épopée, bulletin de l'Association des Anciens combattants de Belgique et des Flandres, Flandres-Dunkerque 40 : « La 32e Division a formé avec une partie de ce qui restait de son infanterie le ʺDernier Carré de Dunkerqueʺ » (12)
Au reste, son héroïsme vaudra au 3e bataillon du 122e RI d'être cité à l'Ordre de l'Armée en 1944 (13) :
« Unité d'élite, qui, sous le commandement du capitaine Arbola, s'est plusieurs fois signalée du 15 mai au 4 juin 1940, par sa cohésion, sa discipline et son esprit de sacrifice.(...) Le 3 juin, à Téteghem, devant Dunkerque, recevant, dans une situation désespérée, l'ordre de contre-attaquer, à bout de forces, de vivres et de munitions, a enlevé dans un magnifique élan deux objectifs successifs, bien que complètement découverte sur son flanc droit, puis a disputé pied à pied le terrain, luttant jusqu'à la dernière minute et jusqu'à épuisement de ses munitions. A, par son esprit d'abnégation et son sacrifice total, permis à d'autres d'échapper à la captivité.» (14)
Ligne de défense au soir du 3 juin
Général Armengaud op.cit.
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4 juin au matin : les troupes allemandes entrent dans Dunkerque.
3- Évolution des effectifs de la 32e D.I.
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à la mobilisation, en septembre 1939 : 14 912 hommes
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au 12 mai 1940 : 14 896
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au 29 mai 1940, après les campagnes de Belgique et des Flandres : 7 280
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au 3 juin 1940, après les combats de Dunkerque : 4 200
Effectif embarqué dans la nuit du 3 au 4 juin : 3 980 hommes. (15)
Après les campagnes de Belgique et des Flandres, la Division a perdu la moitié de ses effectifs (morts, blessés, prisonniers), et après la défense de Dunkerque 42 % des soldats restants.
En tout 767 morts : 496 aux combats, 110 dans les hôpitaux, 161 en captivité. (16) L'unité a payé un lourd tribut.
Voilà donc, brièvement évoqués, les événements qui relient originellement la 32e D.I. à Téteghem : la guerre, des faits d'armes héroïques et tragiques, la bravoure des combattants.
Trois officiers de la Division attacheront tout particulièrement leur nom à la commune : les généraux Lucas et Alaurent, l'abbé capitaine Frézouls.
À suivre ... 2ème partie : Trois portraits
Gérald Mennesson,
1er avril 2022
1- G. HYVERNAUD, Le wagon à vaches, (1953), Pocket, 2002, p. 150.
2- G. BERNANOS, Les enfants humiliés. Journal 1939-1940, Gallimard (1949), Livre de poche, 1968, p.186.
3- J. GRACQ, Manuscrits de guerre, Ed. José Corti, 2011, p.113.
4- David DIVINE, Les 9 jours de Dunkerque, Calmann-Lévy, 1964.
5- Dominique LORMIER, La bataille de Dunkerque 26 mai-4 juin 1940, Tallandier, 2011.
6- J. GRACQ, op.cit., p.157.
7- Ibidem.
8- D. LORMIER, op.cit.
9- Cité par Maurice FRÉZOULS, Les derniers combats pour la défense de Dunkerque, mai-juin 1940, Éditions des œuvres sociales des Anciens combattants, Les Salvages, Tarn, 1962, p.44.
10- Général J.H. ARMENGAUD, Le drame de Dunkerque (mai-juin 1940), Plon, 1948, p.311.
11- Général J.H. ARMENGAUD, op. cit., p.313.
12- M. FRÉZOULS, op.cit., p.54.
13- JO du 5 avril 1944.
14- M. FRÉZOULS, op.cit., p.134.
15- M. FRÉZOULS, op.cit., p.61.
16- M. FRÉZOULS, op.cit., p.XXVI-XXVII.