Combats de coqs

 

Dans ce tourbillon

de méchanceté et de fureur

Nikolaï Nekrassov

L'homme est le plus cruel

de tous les animaux

Friedrich Nietzsche

 

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Combat de coqs en Flandre

Tableau de Rémy Cogghe, 1889 (Roubaix, La Piscine)

 

 

Le 16 mars 1913, on pouvait lire dans Dunkerque l'hiver 1 l'annonce suivante : « Le dimanche 30 mars, au Coq bleu chez Gossaert-Bryckaert, 82 rue du Chapeau Rouge, à Rosendaël, belle partie combats de coqs (…) coq bleu de Rosendaël contre coq gris de Téteghem. Avec revanche le 13 avril, au Nouveau cabaret chez Loonis-Clodérée, au Pont à cochons à Téteghem. »

À Téteghem comme ailleurs en Flandre, ces joutes animales étaient très populaires. Elles avaient lieu le dimanche et les jours de fête, et se déroulaient dans les cafés. Leur pratique vient d'Espagne, le pays qui aussi inventa la corrida, cet autre loisir cruel.

Une loi de protection animale abolit les combats de coqs en 1963 2, après une première loi d'interdiction - sans grand effet - en 1850 3. Mais en 1964 une autre loi 4 les autorisera à nouveau « dans les localités où une tradition ininterrompue peut être établie » .


 

L'affrontement est mortel entre les lutteurs, préalablement pourvus d'ergots d'acier.

Voici le récit d'un combat, à Lille, en 1898 :

« Tous les regards se tournent vers les deux champions (Rouge et Noir), dont on cherche à deviner la valeur sur leur mine.

Les voici lâchés. Dès qu'ils s'aperçoivent, leurs plumes se hérissent, ils baissent la tête et toute leur ardeur belliqueuse se réveille d'un coup.

Quelques escarmouches inutiles pour commencer, semblables aux feintes des escrimeurs. Contrairement à ce qu'en pourraient penser les profanes du jeu, ce n'est pas avec son bec qu'attaque le coq, mais avec ses deux pattes jetées en avant contre l'ennemi. (…) Les coups les plus redoutables sont ceux qui atteignent le cœur, le poumon ou coupent l'artère aorte.

À la première passe, Rouge est touché au cou. Son ardeur aussitôt se ralentit, sa respiration s'embarrasse. Une goutte de sang lui perle au bec. Cependant il tient bon et reste ferme sur ses pattes. Sur une attaque de Noir, un corps à corps se produit. Les plumes hérissées des deux animaux se confondent en une seule masse échevelée et vibrante. Rouge se détache le premier mais retombe aussitôt sur le flanc.

Deux ou trois efforts nerveux pour se remettre d'aplomb, mais en vain. Une voix crie dans le silence : ″Il est j'té″, c'est-à-dire il est jeté à bas, perdu, il a les reins paralysés par un coup d'éperon. Tandis que Noir, debout près de son ennemi, halète, épuisé par ses blessures, Rouge s'étend sur l'arène et rend l'âme. La bataille avait duré 3 minutes. » 5

Ce spectacle sanglant amusait.

 

 

 

1- Hebdomadaire dunkerquois. Parution de 1911 à 1914. A son pendant estival : Dunkerque l'été.

2- La loi n° 63-1143 du 19 novembre 1963 interdit les actes de cruauté envers les animaux domestiques ou apprivoisés ou tenus en captivité.

3- La loi du 2 juillet 1850, dite loi Grammont (du nom du général et député Jacques Delmas de Grammont, 1796-1862), sanctionne la maltraitance animale dans l'espace public.

4- Loi n° 64-690 du 8 juillet 1864.

5- La Vie au grand air du 15 juillet 1898.