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Téteghémois morts à Cassel (1328)


Bataille de Cassel par Henry Scheffer (1837)


Mardi 23 août 1328. Ce jour-là, sur la plaine de Cassel, Philippe VI de Valois, roi de France, écrase dans un bref et meurtrier affrontement les milices des villes et châtellenies de la côte flamande (1) insurgées contre leur seigneur, Louis de Nevers, comte de Flandre et vassal du souverain français.

La bataille met fin à une longue rébellion qui avait débuté en juin 1323 par une émeute populaire contre la perception abusive d'amendes avant d'évoluer vers un conflit de nature révolutionnaire entre le peuple et les patriciens.

Grand analyste de l'événement, l'historien médiéviste belge Henri Pirenne parle d' « une guerre de classes entre les paysans et la noblesse » (2) et prête aux rebelles une « conscience presque moderne (…) de l'opposition entre le "commun" et la noblesse, celui-ci formé de travailleurs manuels, celle-ci vivant du labeur d'autrui » (3).


 

 


C'est un soulèvement très violent qui durant cinq années a secoué le pays westflamand. Violent et sporadique, avec de courtes périodes d'accalmie et de nouvelles insurrections. Quand on croyait la colère apaisée, celle-ci se rallumait comme un feu couvant sous la cendre.

C'est aussi une révolte très organisée. Un capitaine général remplace le bailli à la tête des châtellenies, et des capitaines locaux les ammans (4) des villages. Henri Pirenne écrit : « L'armée qui combattit à Cassel n'était pas une cohue d'émeutiers : elle fut levée et conduite comme elle l'eût été par le comte lui-même. Les cadres du gouvernement étaient tout tracés : on les maintint. On ne voulait pas détruire le mécanisme administratif, mais seulement modifier la nature des forces qui le mettait en mouvement. » (5)

Enfin, c'est la rébellion d' « un peuple sain et robuste, composé pour la plus grande partie de petits propriétaires et de fermiers libres » (6) remarque le même Henri Pirenne.

La défaite des insurgés fut suivie d'une répression terrible, Philippe de Valois châtiant les vaincus avec l' « impitoyable rigueur qui frappe le crime de lèse-majesté » (7).

On supplicia les capitaines ; on condamna Bruges et Ypres à démolir leurs murailles, à combler les fossés ; on confisqua les biens des combattants contre le roi à Cassel ; on priva les villes et châtellenies rebelles de leurs chartes et privilèges.

Après la bataille fut établi un relevé nominatif des séditieux tués des châtellenies de Bailleul, Bergues, Cassel et Furnes, paroisse par paroisse, avec l'indication des biens-fonds pour chacune des 3 185 dépouilles (8).

Même incomplet cet inventaire mortuaire, où toutes les localités engagées à Cassel ne figurent pas, est précieux.

En l'occurrence, il nous apprend que quarante-cinq Téteghémois périrent dans l'affrontement, dont quarante-deux étaient propriétaires de 4,7 mesures de terre en moyenne chacun, soit 2 ha 07 are (une mesure = 44 ares). La proportion moyenne de toutes les victimes propriétaires (2 294) étant quant à elle de 5,74 mesures (2 ha 53 ares).

Gérald Mennesson

  1. Dont Bruges, Ypres et les châtellenies de Bailleul, Bergues, Bourbourg, Cassel et Furnes.

  2. H. PIRENNE, Le soulèvement de la Flandre maritime de 1323-1328, Bruxelles, 1900.

  3. Ibidem.

  4. Magistrat.

  5. H. PIRENNE, op.cit.

  6. Ibidem.

  7. Ibidem.

  8. Manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de Paris, n° 10366. Présenté pour la première fois, mais partiellement, par Eugène Mannier en 1863, puis dans son intégralité par Henri Pirenne en 1900.